mardi 29 mars 2016



La Splendeur dans l'herbe, Patrick Lapeyre,
POL, 2016


Ce roman aurait pu être le récit d'une passion, celle de Giovanni et Emmanuelle, les deux amants exaltés qui ont quitté leurs conjoints respectifs pour vivre leur histoire...

Mais Patrick Lapeyre a choisi de raconter la rencontre de l'autre duo, celui des délaissés. Et voici une histoire d'amour plutôt improbable, mais néanmoins profonde et touchante. Car les sentiments qui naissent entre Homer et Sybil sont d'autant plus délicats et attentionnés, qu'ils éclosent sur les cendres fumantes de leurs amours perdues et dont les blessures de la trahison sont encore vives et douloureuses.

L'auteur ausculte avec finesse et précaution la naissance du désir amoureux. Parmi les personnages principaux, petite mention particulière à Homer, quadragénaire lymphatique et psycho-rigide, éternel indécis dont la timidité amusante frôle souvent la maladresse.

En filigrane, l'auteur nous raconte également la relation difficile et conflictuelle du couple mal assorti que formèrent des années auparavant les parents d'Homer. Ana, sa mère, libre, fantaisiste et malheureuse, tellement différente de son implacable mari et si peu faite pour le carcan conjugal dans lequel elle est enfermée. Ce récit en contrepoint donne un éclairage plus sombre au roman dans lequel on découvre aussi un aperçu de l'enfance d'Homer.

Mais surtout, l'auteur communique au lecteur sa tendresse pour ses personnages et n'hésite pas aussi à s'en moquer non sans drôlerie et ironie... J'ai aimé infiniment ce doux récit intimiste, vaguement suranné, aux allures d'aquarelle, comme un lent éveil sensoriel et émotionnel, en parfaite harmonie avec le doux murmure des confidences que se livrent Homer et Sybil, dans le jardin, au fil de leurs dimanches après-midi. (Stéphanie, Médiathèque de Thann)

Extrait :

"Dans le calme absolu qui les enveloppait, on entendait très loin un avion bourdonner au-dessus de la forêt... C'était l'heure de la splendeur dans l'herbe, où les merles venaient prendre leur bain de soleil sur la pelouse. L'heure où l'univers semblait entièrement circonscrit aux limites de ce jardin, à l'intérieur duquel ils ne recevaient jamais personne et formaient tous les deux (Sybil avait rouvert son roman), une sorte de société secrète, parfaitement dissimulés par les arbres et les palissades.
Profitant de son application à lire, Homer, qui était à présent tout à fait réveillé, s'était tourné vers elle pour l'observer discrètement. Elle portait ce jour-là sa petite jupe à fleurs, si courte et si légère qu'il se surprit à regretter que leur comportement reste aussi respectueux, et leur communication aussi exclusivement verbale. Comme s'ils avaient oublié qu'ils possédaient également des moyens de préhension et de contact tactile, tels qu'en ont les animaux. Ils étaient si proches l'un de l'autre, chacun dans sa chaise, que Homer s'avisa soudain, malgré le veto de sa conscience morale, qu'il pourrait très bien en tendant ses grandes mains, s'emparer par surprise de ses seins menus et les presser tendrement, pendant qu'elle continuerait à tourner les pages de son livre... Mais il ne bougea pas bien entendu, en homme exercé de longue date à se contrôler.
Sans compter que l'idée que cette femme, apparemment chaste et réservée, n'attendrait rien moins qu'une déclaration d'amour ou un geste clair et univoque de sa part lui paraissait à la fois présomptueuse et imprudente. Il n'en était pas encore à prendre ses désirs pour des réalités... Il emprisonna donc ses mains entre ses genoux et se tourna de l'autre côté pour regarder les merles sautillants."

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