dimanche 28 février 2016


Envoyée spéciale, Jean Echenoz,
Minuit, 2016


Le dernier livre d'Echenoz que j'ai lu était "14", un court roman émouvant, sur la Grande Guerre, décrite à hauteur d'homme, en rupture totale avec sa série de biographies précédentes notamment sur Maurice Ravel ("Ravel") et Emil Zatopek ("Courir"). Avec "Envoyée spéciale", Echenoz revient à la fiction et au roman contemporain.
Je dois dire que j'ai ri du début à la fin en lisant cette histoire de l'enlèvement de Constance, l'héroïne, par des personnages semblant tout droit échappés d'un film des frères Coen ou encore des Tontons flingueurs. Des anti-héros absolus qui évoluent avec une maladresse presque touchante dans le milieu des services secrets. Une parodie hilarante du roman d'espionnage, ponctuée par les incises drôlatiques de l'auteur qui prend le lecteur à témoin de la difficulté d'écrire la suite des mésaventures aussi rocambolesques de ses propres créatures. Pourtant bon mal an, tout en jouant de cette désinvolture apparente de ne pas trop savoir où il va emmener son lecteur, Echenoz le balade avec humour et génie, depuis Paris, puis la campagne profonde dans la Creuse, jusqu'en Corée du Nord. Un récit loufoque, mais rythmé avec une précision d'orfèvre et irrésistiblement convaincant car truffé de détails cocasses en même temps souvent hyper documentés.
Que du bonheur pour le lecteur ! (Stéphanie, Médiathèque de Thann)

Je ne résiste pas à l'envie de citer ce passage sur le rapprochement entre le rêve et le cinéma qui témoigne aussi de l'espièglerie réjouissante de l'auteur et du plaisir évident qu'il prend à balloter son lecteur :
"Laissé au salon, le téléphone n'aurait pas pu troubler le sommeil de Tausk qui, levé tard, aère d'abord sa chambre - l'un des grands défauts du sommeil, outre qu'il fait perdre un temps fou, étant qu'il ne sent pas très bon -, puis il essaie avec prudence de se souvenir de ses rêves, soulagé de ne s'en rappeler aucun. Et tant mieux, vraiment, car rien n'est ennuyeux comme les récits de rêve. Même s'ils ont l'air à première vue drôles, inventifs ou prémonitoires, leur prétention de film à grand spectacle est illusoire, leurs scénarios ne tiennent pas debout : voudrait-on les tourner que leur production coûterait une fortune en casting, figurants, constructions de décors, déplacements d'équipe et location de matériel - quand bien même de nos jours, grâce aux effets spéciaux, on peut faire beaucoup de choses en réduisant les coûts -, tout cela pour une audience à coup sûre nulle, sans retour sur investissement. Mauvaise idée. A de nombreux égards, le rêve est une arnaque."

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