mercredi 10 décembre 2014



L'Assomoir, Emile Zola, 1877

Je viens de relire ce roman et voici la première chose qui me vient à l'esprit en refermant ce livre : mais pourquoi Zola n'a-t-il pas appelé son roman "Gervaise" ?
Car, tout le récit, qui se déroule dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris, s'articule autour de ce personnage central. C'est Gervaise qui est brutalement abandonnée avec ses deux enfants par son amant Lantier, un homme sans vergogne qui lui préfère une jeunette. C'est Gervaise en mère courageuse, qui accepte de se marier, un mariage de raison pourrait-on dire, avec Coupeau le Zingueur, qui lui promet la sécurité en retour, promesse non tenue par ailleurs.
C'est Gervaise qui donne naissance à Nana et qui subvient aux besoins du ménage alors que dans le même temps Coupeau, en tombant d'un toit, se casse une jambe et reste incapable de reprendre un travail en s'adonnant de plus en plus souvent à la boisson. C'est encore elle qui décide d'ouvrir sa propre blanchisserie et qui met toute son ardeur au travail, pour satisfaire ses clientes, et mener de front cette activité, en conciliant comme elle peut son rôle d'épouse et de mère... Cela ne vous rappelle rien ?
C'est cette femme qui, n'aspirant qu'à la paix d'un bonheur tranquille et qui dans cette quête éperdue d'idéal, se laisse embobiner par son mari et accepte le retour de Lantier. Elle agit par faiblesse peut-on penser... Je dirais plutôt que par sollicitude affectueuse, presque maternelle, Gervaise se compromet, elle baisse les bras, par lassitude et par fatigue. Seule à trimer, dans ce trio infernal qui gâche son existence. Gervaise, un fond de femme prometteur, que l'éducation et la fréquentation d'un autre milieu social auraient pu développer, mais qui se perd à cause même de son désir très modeste, de rester à sa place.
Gervaise est l'incarnation féminine de la modernité naissante du XIXème siècle : elle se bat pour améliorer sa condition et conquérir son indépendance financière. Mais, empêtrée dans les chaînes d'une société encore très patriarcale, elle n'ose pas dire non et se laisse injustement abuser par ces deux hommes misérables qui l'entraînent dans leur chute.
Et l'on dit dans l'Assomoir, de ces ouvriers et de ces ouvrières qu'ils sont irresponsables, incapables de maîtriser leur destin ! Zola les a peint ainsi, dans sa volonté d'être fidèle à la réalité et rien que la réalité...
Je laisse Gervaise conclure en disant ceci : "Moi, je voudrais un coin petit ou je serais heureuse."
La lectrice que je suis, vivant au XXIème siècle, trouve cette femme admirable, malgré sa déchéance, malgré ses illusions car elle est la seule à exprimer sa volonté de trouver le bonheur. Avait-elle un autre choix de vie ?

Lisez ou relisez cette oeuvre et faites-moi savoir en me laissant un commentaire si, comme moi vous en sortez indigné contre le déterminisme social. (Martine, La Part des Anges)

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