mercredi 24 janvier 2018


Article 353 du code pénal, Tanguy Viel,
Minuit, 2017


Arrêté par la police, Martial Kermeur est déféré devant le juge. Le récit se déploie alors sous la forme d'une longue confession, dans l'intimité de cette entrevue. Le quinquagénaire déroule le fil de sa vie en essayant de comprendre comment il en est arrivé là ? C'est-à-dire comment il en est arrivé à tuer Antoine Lazenec ? Voici donc le monologue d'un homme ordinaire, dont la vie bascule non pas d'un seul coup, mais à force d'événements malchanceux et malheureux, autant que de choix douteux.

Licenciement, chômage, divorce, puis surtout une rencontre, celle avec Antoine Lazenec. Vu au début comme le Messie, Lazenec va hélas précipiter le destin de Kermeur. En effet, ce promoteur véreux exploite sans scrupules, la crédulité et les économies des habitants, en leur faisant miroiter un projet immobilier qui ne verra jamais le jour. Usé par la vie et les échecs, Kermeur entrevoit dans le discours de Lazenec, une possibilité de refaire sa vie et de retrouver son honneur. Secrètement peut-être cherche-t-il aussi à gagner l'estime de son fils, Erwan, qu'il est en train de perdre. Le roman recèle d'ailleurs un magnifique passage sur l'incapacité et l'absence de relation entre un père et son fils.

Quelle est la part de responsabilité individuelle dans ce naufrage ? La réponse, délicate et incertaine, se noie sans doute dans les brumes tenaces et aveuglantes de la côte bretonne. Car Tanguy Viel sait comme personne décrire l'atmosphère et les paysages. La brume et le vent font partie intégrante de l'histoire et soulignent avec poésie, la grisaille tant du ciel, que des existences.

Le talent de l'auteur c'est aussi de mêler le tragique au comique sous une plume tendre ou acerbe, selon les circonstances. L'humour se loge par exemple dans les commentaires, rares mais savoureux, du juge, digne d'un film d'Audiard, qui viennent ponctuer la confession de Kermeur, ajoutant à chaque fois une touche d'ironie et de sarcasme. Un juge aux répliques d'abord assassines, mais qui s'humanise  au fur et à mesure du roman, avec une touche finale inattendue.

Durant toute l'entrevue, sur le bureau du juge, trône le pavé du code pénal, ce qui nous renvoie au titre du roman. Au premier abord, une appellation aussi froidement juridique et impersonnelle que le roman est humain et touchant. Mais en fait pas du tout puisque l'article 353 du code pénal, on l'apprend à la fin du roman (à moins d'être juriste), c'est celui qui évoque "l'intime conviction" : soit justement comment une pincée d'humanité peut potentiellement infléchir la décision d'un juge...

Un excellent roman, plein d'humour et d'humanité, que je ne peux que vous recommander, tant j'ai pris plaisir à le lire ! (Stéphanie, Médiathèque de Thann)

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