mardi 6 septembre 2016



Ecoutez nos défaites, Laurent Gaudé,
Actes Sud, 2016

Laurent Gaudé convoque plusieurs personnages qui ont marqué l'Histoire de leurs batailles sanglantes, à des époques différentes mais qui se font écho entre elles. Malgré les changements de points de vue récurrents, son récit se déroule avec une fluidité étonnante qui nous remue et nous transporte jusqu'à la fin du roman.

En guise de fil conducteur un questionnement lancinant : mais que reste-t-il de ces victoires sur l'ennemi à la vue des champs de bataille jonchés de cadavres ? Comment certaines de ces guerres qui sont de véritables boucheries peuvent-elles néanmoins s'avérer justes sur le plan du destin de l'homme ? Quelles pensées traversent l'esprit des survivants, une fois le chaos ayant tout dévasté ?

Qu'il s'agisse de la guerre entre Hannibal et Rome, de la guerre de Sécession ou bien encore de la guerre italo-éthiopienne qui opposa Mussolini à Sélassié, Gaudé interroge avec perspicacité et sagesse la vanité des combats et l'incapacité de l'homme à tirer les leçons de l'histoire.

Et tout en exhumant ces grandes batailles, Gaudé nous parle aussi d'une histoire d'amour. Un sentiment pur et profond qui naît entre une archéologue et un agent des services de renseignement français. Comme une lanterne au milieu de l'obscurité... Un reste d'humanité, une lueur de bonheur possible. A travers l'évocation du pillage des musées et de la destruction d'antiquités par les terroristes islamistes, il nous offre aussi une belle réflexion sur le sens de la conservation des objets de l'Histoire...

Un roman clairvoyant et douloureux sur la folie destructrice d'hier et d'aujourd'hui...
A ne rater sous aucun prétexte ! (Stéphanie, Médiathèque de Thann)

Retrouvez Laurent Gaudé dans la Grande Librairie du jeudi 1er septembre dernier :




Quelques citations :

"Les grandes batailles qui restent dans les mémoires sont des charniers atroces qui font tourner les oiseaux."

"Le musée de Bagdad est debout à nouveau. C'est une réponse au bulldozer de Nimroud et à la disqueuse de Mossoul. Cela fait douze ans qu'elle lutte contre le trafic d'objets d'art, douze ans qu'elle tente d'endiguer l'hémorragie du patrimoine archéologique irakien. Tant d'objets vont disparaître. Les hommes en noir marchent sur Hatra. Le pillage se poursuit. Alors une idée la traverse et elle se demande soudain si elle ne devient pas folle. Il lui semble qu'elle passe et repasse dans les salles vides pour que les objets la voient. Qu'ils voient, oui, qu'il est des hommes et des femmes qui se soucient de leur conservation. Qui veillent sur eux. Que le monde qui les a tirés hors de terre n'est pas que rapacité et outrages."

"Il pense à eux, à cette guerre qui a dévoré ceux qu'il aimait le plus et il se tait, car il n'y a que le silence qui puisse envelopper tant de morts."

"Il ne s'agit plus de réussir ou d'échouer. La défaite vraie, profonde, la défaite que les hommes sentent en eux, un beau jour, comme une force qui leur pèse, les rend moins rapides, moins innocents, la défaite du corps qui s'empâte, se gonfle, s'essouffle, et les yeux qui voudraient ne pas avoir tant vu. La chose qui approche, à laquelle l'homme ne peut échapper et qui s'appelle l'engloutissement."

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