mercredi 4 décembre 2013



Frédéric Verger, Arden
Gallimard, 2013

L'histoire se déroule en Marsovie, riche principauté imaginaire d'Europe centrale. Les deux personnages phares sont l'oncle du narrateur : Alexandre de Rocoule, sorte de vieux dandy séducteur sur le retour et Salomon Lengyel, veuf inconsolable et solitaire. Tous deux sont liés par leur passion commune pour l'opérette. Le récit est d'ailleurs truffé d'histoires plus rocambolesques les unes que les autres, imaginées par le duo. Par un effet de mise en abyme amusant, le roman est lui-même construit comme une pièce d'opérette. Niché au creux d'une forêt dense et profonde, digne des contes, le grand et luxueux Hôtel d'Arden, dont Alexandre est propriétaire, sert de décor. Les personnages irrésistibles, tous baroques à souhait, évoluent avec aisance dans cet univers théâtral, fantaisiste parfois même un tantinet désuet ou burlesque.
Pimenté par l'humour et l'intelligence de l'auteur, le récit nous plonge littéralement dans ce monde imaginaire pourtant assombri et rattrapé par la vraie histoire, celle de l'invasion nazie, qui rôde et menace, transformant Arden en refuge...
Je me suis littéralement régalée de cette langue fleurie et imagée qui rayonne tout au long du roman. C'est un livre drôle, au charme envoûtant, que je quitte à regret. (Stéphanie, Médiathèque de Thann)

Extrait :
"Arrivés à Arden par une belle soirée d'été, débouchant de la forêt obscure, vous auriez d'abord aperçu, derrière la grande baie vitrée de la salle à manger, l'écarlate du soleil couchant où se découpaient les silhouettes des garçons se précipitant sur les tables pour allumer les chandelles.
Leur course semblait toujours affolée, comme si les flammes minuscules qu'ils faisaient naître étaient destinées à sauver des âmes en peine.
Puis, pénétrant dans l'hôtel par le côté du parc humide envahi par la nuit, poussant le grand battant d'une porte de bronze à demi recouverte par un lierre luisant où, chaque fois que l'on tend l'oreille, quelque chose crépite, vous auriez aperçu dans la pénombre du vaste hall blanc les cinq musiciens de l'orchestre sur une petite estrade.
Immobiles sur leurs chaises, silencieux, regardant droit devant eux, ils ressemblaient à des somnambules égarés assis dans une forêt obscure. De temps en temps, l'un d'eux, paupières mi-closes, glissait vers son voisin le regard que la vache couchée dans l'herbe coule à sa voisine.
Tout à coup, dans une union parfaite, sans s'être adressé le moindre signe, comme sous l'effet d'un phénomène naturel semblable à l'ébullition de l'eau, ils levaient leur violon et attaquaient La valse du trésor."

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