mardi 2 avril 2013



Jeanne Benameur, Profanes,
Actes sud, 2013



Ancien chirurgien du coeur, il y a longtemps qu'Octave Lassale ne sauve plus de vies. A quatre-vingt-dix ans, bien qu'il n'ait encore besoin de personne, Octave anticipe : il se compose une "équipe". Comme autour d'une tabled 'opération - mais cette fois-ci, c'est sa propre peau qu'il sauve. Il organise le découpage de ses jours et de ses nuits en quatre temps, confiés à quatre "accompagnateurs" choisis avec soin. Chacun est porteur d'un élan de vie aussi fort que le sien, aussi fort retenu par des ombres et des blessures anciennes. Et chaque blessure est un echo.



Dans le geste ambitieux d'ouvrir le temps, cette improbable communauté tissée d'invisibles liens autour d'indicibles pertes acquiert, dans l'être ensemble, l'élan qu'il faut pour continuer. Et dans le frottement de sa vie à d'autres vies, l'ex-docteur Lassalle va trouver un chemin.

Jeanne Benameur bâtit un édifice à la vie à la mort, un roman qui affirme un engagement farouche. Dans un monde où la complexité perd du terrain au bénéfice du manichéisme, elle investit l'inépuisable et passionnant territoire du doute. Contre une galopante toute-puissance du dogme, Profanes fait le choix déterminé de la seule foi qui vaille : celle de l'homme en l'homme.

Extrait :
"Tout ce que j'ai accompli, je l'ai accompli ici et maintenant. Pas d'ailleurs. Pas d'au-delà. Et ce que je n'ai pas accompli, les risques que je n'ai pas su prendre m'ont simplement maintenu ici et maintenant. Je n'ai jamais cru que quelque chose d'autre, un dieu, une croyance, pouvait m'aider, tenir ma main, ma tête, toutes mes facultés, pour les porter plus haut. Dépasser le fait d'être un homme, juste un homme de chair, de sang et de pensée.
Aujourd'hui je me donne droit au doute.
Un profane aussi a le droit de douter. Le doute n'est pas réservé aux croyants.

J'ai besoin d'autres êtres humains, comme moi, doutant, s'égarant, pour m'approcher de ce que c'est que la vie. Parce que je suis vieux. Les religions ne m'intéressent pas. Ceux qui sont sûrs d'un dieu ou de l'absence d'un dieu ne me sont d'aucune aide. J'ai besoin de confronter mon doute à d'autres, issus d'autres vies, d'autres coeurs. J'ai besoin de frotter mon âme à d'autres âmes aussi imparfaites et trébuchantes que la mienne.
Je ne cherche à être sûr de rien mais je veux trouver la forme juste de mon doute. Simplement cela. Humblement. Je ne suis pas un grand philosophe. Je ne cherche rien pour les autres. Juste une façon de rester vivant. Ma façon.
"

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